La chronique d'Albert

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Saturday, November 01, 2008

août 1992



A propos de stéréophonie


Dès l'avènement des premières transmissions et de
l’enregistrement des sons, les techniciens se sont attachés à perfectionner leurs qualités en essayant de se rapprocher au plus près de l’original.
Les progrès ont porté essentiellement sur l’élargissement de la bande passante, la lutte contre les bruits parasites et les différentes distorsions.
Restait la distorsion d’espace. importante puisque dans les conditions monophoniques qui seules à ce moment étaient exploitées, tous les sons quelque soit leur origine étaient diffusés en un seul point.
Depuis le début du siècle quelques essais de transmission spatiale ont été tentés avec quelques succès mais sans suite, les conditions indispensables n’étaient pas réunies. Il a fallu le perfectionnement notable des moyens de transmission et d’enregistrement pour permettre une exploitation utile des recherches effectuées.
Le but recherché est de permettre à l’auditeur de s’approcher au maximum de la perception qu’il aurait comme spectateur du même événement sonore.
On peut se poser la question de l’intérêt de ce souci, en effet une transmission de cette nature n’apporte aucune information supplémentaire, le fait de percevoir les violons à gauche et les contrebasses à droite n’est pas en soi un perfectionnement d’une telle importance.
Cependant une transmission stéréophonique apporte un confort d’écoute indéniable perçu immédiatement par tous les auditeurs. Il se passe donc autre chose.
Pour essayer de comprendre ce phénomène nous allons nous souvenir de quelques notions d’acoustique physiologique. Le sens de l’ouïe comme celui de l’odorat est un sens de veille prévenant dans toutes les conditions d’attention, de la présence ou de l’approche d’un danger et pour ce faire il nous renseigne en permanence sur l’existence et la localisation précise en direction et en proximité des sons qui nous entourent. Pour plus d’efficacité nous pouvons aussi ‘zoomer’ sur une partie de l’espace qui nous parait momentanément plus intéressante ou plus inquiétante. Ces facultés sont une partie essentielle de notre perception. L’écoute monophonique nous prive de ces possibilités, l’écoute stéréophonique nous permet de les retrouver en grande partie, c’est la raison de cette impression de confort.
C ‘est à notre avis le seul intérêt de la transmission spatiale des sons
La stéréophonie n’est qu’une étape dans la retransmission "intégrale" de l’espace sonore car elle n’offre qu’une solution partielle, mais c’est une étape primordiale car elle a permis de passer de rien à quelque chose. L’auditeur n’y retrouve pas toutes ses facultés d’écoute intelligente mais tout de même les principales donc une part importante de sa liberté d’écoute.
PERCEPTION SPATIALE DES SONS
Les sons sont perçus par les oreilles. On sait que d’autres parties du corps tels le ventre ou les os de la tête peuvent transmettre des sensations sonores mais sans influence notable sur la perception spatiale.
Il semble bien que la perception d’un événement sonore ne soit pas monolithique Le cerveau reçoit bien les informations sonores mais il les trie, les choisit, donne à chacune une importance variable, les modifie selon ses goût ou ses besoins, y mêle des souvenirs. des connaissances, des habitudes, des informations visuelles et autres etc. C’est tout cela qui compose le message perçu.
On conçoit alors l’intérêt, pour permettre à l’auditeur d’effectuer ce travail aisément et dans de bonnes conditions, de lui transmettre des informations avec la plus grande précision.
Nous ne traiterons ici que la perception dans un plan horizontal en avant de l’auditeur car la perception dans le reste de l’espace reste mal connue, c’est d’ailleurs la raison principale qui limite le développement des recherches.
Les sons provoquent dans l’air des variations de pression qui se propagent à une vitesse de 340 ms Ils atteignent chacune des oreilles selon leur position par rapport à elles On voit que :
Le son -S- atteindra l’oreille droite à un instant -T-
la gauche à un instant T+T’ car le trajet est plus long
Le son -S- produira sur l’oreille droite un son d’intensité -1-
sur la gauche un son d’intensité 1- 1’ car la distance étant plus grande il y a un léger affaiblissement, de plus une partie de l’énergie est dissipée en réflexion sur la tête.
Le cerveau compare les informations données par les deux oreilles et utilise les différences de temps et de niveau pour repérer l’origine des sons en direction et profondeur Chaque point de l’espace stéréophonique est caractérisé par un couple A-T A-I original et
indépendant de l’intensité du son
L ‘expérience montre que seuls les transitoires sont facilement repérables.
On pourrait en déduire que si l’on retransmettait à chacune des oreilles d’un auditeur ces informations il serait plongé dans un univers sonore parfaitement semblable à l’original. C’est sans doute vrai mais on ne peut pas actuellement le certifier car que ce soit dans la façon de capter les informations sonores et dans la façon de les transmettre il subsiste des imperfections qui suffisent à limiter cette prétention.
Si A-T- et A-l - sont des informations primordiales il en existe d’autres comme par exemple l’altération progressive de la bande passante par le masque de la tête ou les variations de phase produites par la forme de l’oreille externe. Leur importance sur la localisation n’a pas pu encore être mise en évidence.
On n’a pas d’indications fiables sur les informations qui permettent la perception en avant ou en arrière au-dessus ou au dessous de la tête.
Actuellement la qualité des chaînes de transmission, des capteurs et des diffuseurs permet d’assurer le transport du signal dans de bonnes conditions.
Ce sont les liaisons ‘sons-capteurs’ et ‘diffuseurs-auditeurs’ qui posent des problèmes. La première idée a été de munir l’auditeur d’écouteurs ; cette solution offre d’incontestables avantages :
Très bonne séparation des informations arrivant à chaque oreille
Isolement des sources sonores extérieures
mais aussi quelques inconvénients :
Les mouvements de la tête entraînent des mouvements correspondants de l’espace sonore retransmis
Il n’y a pas d’informations en avant de la tête
Les informations droite-gauche sont précises mais l’espace est distendu dans ces directions
Des manifestations sonores anarchiques se produisent au-dessus et en arrière de la tête
L’auditeur est plongé au milieu des sources sonores (est-ce toujours un défaut ?)
Une autre solution consiste à envoyer les deux informations sur deux enceintes acoustiques placées devant l’auditeur Après de nombreuses expériences une solution de meilleur compromis a été choisie : Les deux enceintes et la meilleure place d’écoute formant les trois sommets d’un triangle équilatéral.
Cette disposition adoptée internationalement quoique pas normalisée est d’utilisation pratique et s’adapte à toute forme et dimensions de lieux d’écoute.
Tout système de prise de son devra tenir compte de ce fait
Cette disposition détermine une zone d’écoute confortable (figure 2)
Elle permet l’écoute dans un espace ''artificiellement reconstitué dans le cerveau de chaque auditeur'' limité par la ligne joignant les deux enceintes et le prolongement des deux autres côtés du triangle vers l’infini.
Cette solution n’est pas non plus sans défauts :
Limitation de l’espace reconstitué
Le fait que toutes les sources sonores quel que soit leur emplacement réel sont restituées dans cette partie de plan
L’auditeur reste à l’extérieur de l’espace sonore
Chaque oreille perçoit l’information qui lui est destinée mais aussi une partie de celle destinée à l’autre ( Dans la zone d’écoute cette diaphonie acoustique ne perturbe que légèrement l’espace de perception ) des recherches déjà anciennes se poursuivent qui permettront de compenser ce défaut.
Pour mémoire on peut citer des expériences et même des débuts d’exploitation de reconstitution de l’espace par points en multipliant les enceintes acoustiques et évidemment les circuits de transmission et d’enregistrement (ex. la tétraphonie) Elles étaient jusque là limitées par le prix de revient sans rapport avec l’augmentation supposée de qualité qu’ils amenaient. Des techniques nouvelles permettent de relancer ces méthodes.
à voir!
Quel que soit le système de reproduction actuel ou futur il doit tenir compte du fait pue c ‘est le cerveau de chacun qui reconstitue l’espace perçu à l’aide des
informations qu’il reçoit par l’intermédiaire des ses deux oreilles
Cette précision qui semble évidente est utile à rappeler car elle semble ignorée de nombreux chercheurs ou rédacteurs d’articles et ouvrages sur le sujet.

La prise de son
Pour aborder la prise de son de programmes stéréophoniques il faut revenir sur la notion d’écoute. Il existe plusieurs attitudes d’écoute, nous parlerons de deux qui nous intéressent particulièrement.
L’écoute professionnelle, c’est l’écoute de ceux qui par profession par curiosité ou par snobisme, scrutent les détails du message sonore, sa construction, son évolution, la perfection de son exécution etc...
Cette écoute est celle de tous ceux qui, à quelque titre que ce soit, travaillent à la préparation à l’élaboration de la production, c’est bien sûr celle du preneur de son mais si elle lui est indispensable elle est dangereuse cas elle favorise par trop les prises de son analytiques qui tendent à faire entendre par fraction ce que les auteurs et compositeurs ont voulu rassemblé, global. Souvent la perception trop précise des détails empêche celle de l’œuvre
On écoute les instruments pas la musique -

L’écoute auditeur Que cet auditeur soit un professionnel, un amateur éclairé ou un auditeur simple, il écoute pour son plaisir, il est sensible au sens profond de l’œuvre en direct avec la pensée de l’auteur, il se laisse porter par le déroulement... C’est une écoute fragile, très sensible à tout événement incongru comme des équilibres changeants, des déplacements de sources sonores injustifiés etc... qui déconcentrent inévitablement l’auditeur.
C’est pour cette écoute là que doit travailler le preneur de son sauf dans de rares cas de programmes didactiques ou volontairement analytiques. c’est celle là qu’il doit impérativement reprendre après les premiers réglages, l’expérience montre que c’est un exercice très difficile et trop souvent négligé.
C’est pourtant ce ‘détail’ qui peut être différencie un excellent preneur de son d’un habile technicien.
Le premier souci du preneur de son sera de réaliser un bon équilibre entre les sources sonores qui s’exprimeront simultanément ou successivement, cet équilibre est complexe, on peut lui trouver plusieurs composantes :
Équilibre de niveau Il faut que les intensités apparentes des différentes sources sonores soient en permanence correspondantes à leur importance dans l’ensemble (ce qui ne veut pas dire égales) C’est l’équilibre souvent uniquement considéré.
Equilibre de présence Le mot présence recouvre plusieurs concepts différents, dans ce cas là il faut veiller à ce que la disposition perçue des sources sonores dans l’espace soit logique. Elle peut correspondre à une situation habituelle (disposition d’un ensemble musical traditionnel) Elle peut aussi être une situation inouïe reconstituée. C’est la qualité de cet équilibre qui permet la bonne perception de l’espace sonore, donc le confort d’écoute
Equilibre de timbre Il faut que les dispositions relatives du ou à la rigueur des microphones et des interprètes soient telles que les timbres ou couleurs sonores des instruments se marient se complètent, chacun gardant ses caractéristiques sans nuire à l’homogénéité de l’ensemble Cet équilibre est très subtil et très difficile à obtenir.
On aura une idée de l’importance et de la difficulté de tels équilibres si l’on veut bien s'astreindre à assister à de nombreuses répétitions musicales théâtrales ou lyriques. On pourra ainsi voir et entendre avec quel soin et au prix de quel travail les interprètes mettent au point leurs relations. On comprendra sans doute pourquoi il est indispensable de respecter scrupuleusement ces caractéristiques tout au long de la chaîne de transmission en commençant évidemment par la prise de son.
La prise de son stéréophonique et la prise de son monophonique ont pour objet de fournir à l’auditeur des signaux lui permettant d’entendre le spectacle sonore original
mais si le but est le même les moyens sont différents
On peut dire que si la prise de son monophonique doit fabriquer un produit fini dans lequel toutes les relations entre les sources sont figées à une valeur moyenne censée contenter la moyenne des auditeurs moyens, la prise de son stéréophonique doit fabriquer deux signaux à partir desquels chaque auditeur peut faire varier les rapports entre les sources sonores selon son propre désir.
Cette démarche constitue pour les preneurs de son une perte de pouvoir Ils n’ont plus à imposer leur propre conception mais seulement permettre, faciliter celle des auditeurs Beaucoup ne le supporte pas C’est une des raisons qui expliquent certaines conceptions de prise de son qui substituent à la stéréophonie quelques signaux monophoniques répartis sur la ligne qui relie les deux enceintes acoustiques.
Selon la nature du programme deux cas peuvent se présenter :
-Transmission la plus fidèle possible d’un événement sonore tel qu’il existe acoustiquement
-Reconstitution d’un événement sonore inouï à partir d’éléments divers
Dans le premier cas deux solutions
-Recueillir en un seul point judicieusement choisi l’ensemble des informations nécessaires.
-Séparer par une prise de son plus ou moins fragmentée les diverses sources sonores ou des groupes de sources sonores et reconstituer l’ensemble par mélange électronique.
Dans le second cas seulement évidemment la deuxième solution est possible



Les microphones stéréophoniques
On doit plus exactement parler d’assemblage de microphones traditionnels
permettant une prise de son stéréophonique.
Tous les systèmes sont plus ou moins issus des recherches sur la prise de son par tête artificielle.
Une tête artificielle strictement semblable à une tête humaine est impropre à la prise
de son il faut modifier ses caractéristiques acoustiquement ou électroniquement pour que les signaux produits par les microphones qui lui sont adjoints donnent à l’auditeur une bonne restitution des signaux sonores et de l’espace dans lequel ils baignent. Il ne peut s’agir que de compromis et c’est dans les différents choix de ces compromis que réside la diversité des solutions employées Le service des études de l’ORTF, a opté pour un système supprimant complètement la tête en compensant cette suppression par une disposition particulière des microphones disposition mise au point afin de permettre de respecter le plus exactement possible les rapports de niveau et de temps originaux pour tous les points de l’espace de prise de son.
C’est le système A. B. ORTF. ou couple ORTF.
Deux microphones cardioïdes espacés de 17 cm, leurs axes faisant un angle de 110 °
Celle disposition privilégie la perception correcte de l’espace au prix d’une légère chute dans les fréquences graves due à l’utilisation de microphones cardioïdes.
Les prises de son réalisées avec un seul de ces couples et écoutées sur des enceintes suffisamment ponctuelles donnent une image de la scène sonore très régulière sans exagération ni trou au centre ou sur les côtés La reproduction des rapports de profondeur est très fidèle indépendante du niveau
On perçoit normalement l’origine d’une source sonore forte et
éloignée et celle d’une source faible et proche
Les effets de masque sont réduits au minimum Cependant dans le cas de prises de son trop rapprochées on remarque un écartèlement de l’espace. Au contraire dans les prises de son trop éloignées l’espace semble resserré.
Cet effet est provoqué par tous les systèmes, c’est au preneur de son d’en tenir compte dans sa mise en place Changer les valeurs d’angle- 110° . ou de distance -17cm n’est en aucun cas une solution car on crée ainsi des distorsions d’espace rendant anarchique la perception des plans sonores On doit alors compenser par des microphones d’appoint et l’on quitte la prise de son stéréophonique.
Il est à remarquer que le système ORTF. est issu d’une adaptation du système d’écoute naturel et ne dépend pas du nombre et de la disposition des sources sonores
Un autre inconvénient de ce système (et de tous les systèmes non coïncidents) est une légère incompatibilité stéréophonie-monophonie Le signal monophonique est obtenu généralement par l’addition des deux signaux gauche et droit, or ces systèmes par leur nature, provoquent pour certaines sources sonores des signaux décalés dans le temps, leur somme induit dans le signal obtenu des rotations de phase variables avec la fréquence et donc des irrégularités de bande passante. Après de nombreux essais ces irrégularités ont été jugées négligeables par certains laboratoires, dont ceux de France, et gênants par d’autres qui de ce fait ont développé pour les éliminer d’autres systèmes à micros coïncidents :
Les systèmes X. Y. M. S. Stéréophonique etc....
qui ont comme seul avantage d’être parfaitement compatibles mais au prix de la détérioration de la restitution d’espace, seules les indications de direction sont retransmises.
D’autres systèmes utilisent des microphones non coïncidents mais avec d’autres caractéristiques privilégiant la qualité du signal au détriment de la précision de retransmission de l’espace (autre compromis)
Les recherches sur une adaptation différente de tête artificielle n’ont jamais cessé avec des succès variables signalons les bons résultats des réalisations de CHARLIN, d’Othon SCHNEIDER et dernièrement de la firme SCHOEPS qui a proposé une sphère de prise de son bénéficiant de toutes les possibilités de correction de l’électronique moderne. Cette ‘sphère’ offre des compromis différents, elle permet une retransmission étonnante des grands ensembles et des réverbérations des salles.
Une autre technique consiste à utiliser plusieurs microphones répartis devant des groupes de sources sonores ou même devant chacune des sources. Les signaux issus de ces microphones étant répartis par potentiomètres panoramiques entre les deux voies gauche et droite, technique nommée pour cela monophonie dirigée.
L'espace reconstitué de cette façon est limité à quelques points monophoniques (le nombre de microphones) sans aucune mesure avec l'infinité des points audibles avec les autres systèmes.
Malgré la pauvreté de ses résultats cette technique est très employée pour des raisons historiques et commerciales.
Historiques car au début des premières productions en stéréophonie un grand nombre de preneurs de son ont simplement adapté leurs connaissances monophoniques - Ils ont fait école- De plus et là sont les raisons commerciales cette prise de son fragmentée permet aux compositeurs et aux interprètes de réaliser des enregistrements à moindre frais. Les musiciens peuvent jouer pour la même production à des moments et dans des lieux différents. Les équilibres de niveaux, l'implantation dans l'espace, les innombrables corrections sont réalisées en post-production. Des économies importantes oui mais au prix de l'abandon du contact musical instantané entre les interprètes qui ne s'entendent plus les uns les autres où au mieux par écouteurs. Cette relation privilégiée qui est indispensable à une bonne expression musicale est alors ignorée.
Pourtant les musiques de film, les variétés, les chansons et leurs accompagnements qui ont le plus à pâtir de ces pratiques mériteraient d'être traitées avec autant d'égard que la musique classique ou le jazz

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